Celui qui maîtrise sa vie est plus grand que celui qui prend des villes.
Proverbes 16, 32
COMBIEN MAÎTRISENT RÉELLEMENT LEUR VIE ? L’autre jour, j’entendais quelqu’un s’exclamer : «Je n’en peux plus de boire!» Va pour l’alcool, mais, au fond, ne sommes-nous pas tous alcooliques de quelque chose? Les dépendances ne se comptent plus. La psychologie en découvre une nouvelle chaque mois. Le «mal du siècle», paraît-il. Certaines formes de dépendance sont telles qu’elles empoisonnent la vie tout entière. Or, que vaut la vie, quand on n’en a pas la maîtrise?
Maîtriser sa vie, c’est beaucoup plus que de dire : «Je performe dans mon travail, je joue bien au golf, j’excelle au violon, je suis un vrai cordon-bleu, je sais recevoir des amis, etc.» Il existe une énorme différence entre maîtriser un sport, un art et maîtriser sa vie ou son destin. La grande chanteuse Dalida avoua un jour : «J’ai réussi dans la vie, mais je n’ai pas réussi ma vie.» Elle s’est suicidée…!
Combien de personnalités, politiciens, artistes, vedettes brillent dans le firmament de la notoriété, s’illustrent sur toutes les scènes du monde, mais croupissent lamentablement dans leur vie privée, la plupart du temps sous l’effet d’une dépendance quelconque : alcool, drogue, jeu, sexe. Combien de célèbres personnages ont été dominés par leur démon intérieur? Il existe, en fait, un grand nombre de personnes, de toute condition, qui éprouvent une profonde division à l’intérieur d’elles-mêmes. C’est comme si elles ne s’appartenaient pas complètement. Anselm Grün, psychanalyste allemand, dans son livre Ce que je veux je ne le fais pas, fait le constat que «de plus en plus, les gens ont le sentiment d’être divisés en eux-mêmes, tiraillés en tout sens dans leur travail, leur famille, leur communauté. Ils cherchent la paix intérieure et ils ne la trouvent pas.» Bref, ils ne maîtrisent pas leur vie. Ils ne sont pas complètement aux commandes de leur existence.
Or, il existe une réalité incontournable: le point de départ de la maîtrise de sa vie tient d’abord dans cette prise de conscience que nous avons tous une problématique personnelle à gérer ou à assumer. Celle-ci peut concerner soi-même, sa famille, son métier, sa profession, ou encore se vivre sur un lit d’hôpital, dans un fauteuil roulant, dans une prison, dans l’enfer de l’alcool, de la toxicomanie, du jeu ou des médicaments. Chacun a un domaine précis, dans lequel s’applique cette loi inexorable : on ne peut accéder à tout le territoire de sa vie, si on ne fait pas la conquête d’un champ en particulier, en l’occurrence celui qui influence le plus négativement nos comportements. Il est étonnant de constater jusqu’à quel point le toxicomane, le dépressif, le violent, pour ne citer que ces cas, voient leur vie personnelle, familiale, sociale et professionnelle transformée radicalement quand ils ont suivi avec succès une thérapie. C’est leur existence entière qui se trouve irradiée par le changement effectué dans un secteur précis, mais combien important de leur vie.
Heureusement, les moyens ne manquent pas pour reprendre la gouvernance de sa vie. Il existe ici une floraison impressionnante d’approches, de techniques, voire de recettes. Et puis, la nature ne nous a-t-elle pas dotés de merveilleuses ressources? Certaines agissent comme un gouvernail en profondeur, d’autres comme un souffle invisible qui dirige à notre insu notre vie. Il s’agit de ne pas laisser ce potentiel en veilleuse.
Jean-Paul Simard